Art et Sciences

 

Chimie et cuisine !

                                                                                                        Par Sylvain Gaillard

 

 Tout le monde a un jour réalisé une réaction chimique sans forcément en avoir conscience. La chimie nous entoure au quotidien. Le simple fait de cuire un steak dans une poêle fait de vous un chimiste en herbe.

 D’ailleurs, a quoi sert la cuisson des aliments ?

 Il a été prouvé par les biologistes que les aliments crus sont beaucoup moins assimilables pour l’organisme que lorsqu’ils sont cuits alors que se passe t’il dans cette poêle ?

La principale chose que l’on fait dans une poêle, c’est de chauffer les aliments. Cet apport de chaleur permet aux molécules présentes dans les aliments de bouger et ainsi de créer des chocs entre molécules. Ce sont ces chocs qui sont à l’origine des réactions chimiques entre molécules susceptibles de réagir entre elles. La chaleur provoque la dégradation des molécules pour en former des plus petites. Ainsi après cuisson, les aliments deviennent plus tendres et les molécules qui les composent deviennent plus facilement assimilables par le corps humain. En effet, une partie du travail de dégradation a été effectuée dans la poêle.

 La cuisson n’est pas uniquement utile pour la digestion des aliments. Elle sert aussi à produire des arômes et des couleurs qui peuvent rendre la nourriture plus attrayante.

 La réaction de Maillard, ou la réaction de la cuisson.

 Louis-Camille Maillard fit part de sa découverte surprenante à L’Académie des Sciences le 8 janvier 1912. Alors qu’il travaillait sur la synthèse de protéines par chauffage, il obtint par hasard des substances aromatiques et colorées qu’il identifia comme des mélanoïdines, polymères bruns responsables de la couleur et de la saveur de nombreux aliments : croûte du pain, café et chocolat torréfiés, bière.

Voici décrit avec des exemples précis, les différentes étapes élémentaires de cette réaction.

Condensation de Maillard

 La première réaction du processus correspond principalement à l’addition d’une amine sur un sucre réducteur.

Elle conduit après un réarrangement de la molécule à des glycosylamines. Les glycosylamines issues d’amines et de protéines sont relativement stables, tandis que celles issues d’acides aminés subissent rapidement une nouvelle transformation appelée réarrangement d’Amadori.

Réarrangement d’Amadori

 Les glycosylamines formées précédemment donnent en milieu acide des cétosamines : c’est le réarrangement d’Amadori.

        

Scission

 Une coupure des cétosamines obtenus peut conduire à la formation de petites molécules carbonylées ou acides, qui, par condensation aldolique, donneront les polymères et produits odorants caractéristiques de la réaction de Maillard.

 Déshydratation modérée et dégradation de Strecker

 Lorsque la déshydrogénation est plus modérée, des substances réductrices sont obtenues : réductones et déshydroréductones. Celles-ci réagissent avec des acides aminés et entraînent leur dégradation par décarboxylation et transformation en aldéhydes : c’est la réaction de Strecker.  

                                                                                                      

La condensation de deux aminocétones, produits secondaires de la réaction de Strecker, donne des pyrazines, substances aromatiques très actives. Elles sont très présentes dans les produits alimentaires auxquels elles donnent des arômes particuliers plus ou moins désirables.

Les réductones donnent également, par réaction avec des acides a aminés des composés très colorés.

 Scission ou polymérisation

Les composés obtenus lors des réactions donnent :

  • par scission : des produits volatils et odorants,

  • par polymérisation : des mélanoïdines.

 

 

Propriétés des produits de la réaction de Maillard

 Les produits de la réaction de Maillard confèrent aux aliments des propriétés, le plus souvent intéressantes, telles que la couleur, l’arôme, la valeur nutritionnelle, et une certaine stabilité au cours de la conservation grâce à leur pouvoir antioxydant.

 Couleur

     Lors de l’ultime étape de la réaction de Maillard, la polymérisation conduit à des pigments bruns ou noirs insolubles : les mélanoïdines.  

    Ces dernières donnent la couleur brune caractéristique de certains aliments : café et chocolat torréfiés, croûte du pain, couleur dorée de la bière…

 Arôme et goût

 Deux familles de substances aux propriétés organoleptiques intéressantes résultent de la réaction de Maillard :  

  • d’une part les furaldéhydes et les réductones formés par déshydratation des cétosamines

  • les aldéhydes obtenus après dégradation de Strecker

Ce sont elles qui, par exemple, sont responsables du goût de la viande grillée, de l’odeur de la croûte du pain frais ou de l’arachide grillée: 

 

Substances

Produits alimentaires

Arômes

2-éthyl-3,5-diméthyl-pyrazine

sirop de glucose

amandes grillées

2-éthyl-3,6-diméthyl-pyrazine

sirop de glucose

noisette

formylpyrazine

café instantané

Note de "grillé"

2-éthoxy-3-méthyl-pyrazine

Glaces

Noix grillées

2-éthyl-3-méthoxy-pyrazine

Chips

pomme de terre

 La cuisson n’est pas la seule responsable du goût. En effet, on fait parfois appel à des microorganismes pour obtenir des saveurs, comme dans les fromages ou même le pain.

 A Quoi sert la levure de boulanger dans la préparation du pain ?

 La levure de boulanger est en fait constituée d’une multitude de microorganismes appelés enzymes. Il existe plusieurs types d’enzyme dans la levure de boulanger, tout d’abord une variété qui fermente le maltose en deux molécules de glucoses. Une autre qui dégrade le glucose en deux molécules de dioxyde de carbone (responsables de la légèreté ou non de la mie de pain), deux molécules d’éthanol et d’autres molécules telles que des cétones et des aldéhydes (ces composés sont des composantes du goût et des arômes du pain avant même la cuisson).

 Pour finir voici un dernier exemple de l’utilisation des propriétés chimiques de nos condiments :

 Avez-vous déjà monté une mayonnaise ?

 Faites une expérience toute bête, mettez une cuillère d’huile dans un verre d’eau. L’huile restera à la surface de l’eau et ne se mélangera pas à l’eau. C’est cette propriété physico-chimique des molécules organiques composant l’huile vis-à-vis de l’eau que l’on utilise pour obtenir une mayonnaise onctueuse. Revenons plus précisément à notre mayonnaise et plus particulièrement au jaune de l’œuf qui contient environ 50% d’eau. Comment arriver à mélanger l’huile et l’eau du jaune d’œuf ? Pour cela, il faut des molécules qui permettent de faire une cohésion entre l’eau et l’huile. Ces molécules s’appellent des tensio-actifs et on va les trouver dans la moutarde et l’autre partie du jaune d’œuf. On obtient donc une émulsion et l’acide du vinaigre permet de stabiliser cette émulsion.

 Les chimistes se sont depuis longtemps plongés dans nos assiettes pour en comprendre les secrets de nos grand-mères. Leurs expériences les ont menés à de nombreux succès mais certains restent un mystère. Rien ne remplace pour le moment un bon chef. Pourtant certains chimistes sont devenus des chefs notamment un espagnol, Monsieur El Bouli qui a ouvert un restaurant gastronomique avec une carte qu’il travaille tous les ans pendant six mois dans ses laboratoires. Peut être aurons nous un jour une recette sous forme d’équation chimique…

 

Partie définition

Tensio-actif :

Un tensio-actif est un composant qui possède la propriété de réunir et de maintenir de façon stable deux liquides incompatibles. Exemple : un tensio-actif adapté permet de former une émulsion stable d'huile dans l'eau par formation de micelles d'huile entourées du tensio-actif. L'huile n'est pas en contact direct avec l'eau, c'est pourquoi le mélange est stable. Le tensio-actif réunit et sépare l'eau de l'huile.

 Polymérisation :

On appelle polymérisation la réaction chimique ou le procédé permettant la synthèse d'un polymère. Le produit obtenu est un polymère synthétique, comme par exemple le polyéthylène par opposition à un polymère d'origine naturelle, par exemple la cellulose.

 Protéines :

Eléments constructeurs de l'organisme, leurs sources sont animales (viandes, poissons, œufs, fromage et autres produits laitiers) ou végétales (céréales complètes, légumineuses, fruits oléagineux).

 Antioxydant :

Contenus notament dans les fruits et légumes. les antioxydant, dont la vitamines A, C et E, contribuent à notre bonne santé.

 Organoleptiques :

qui font référence aux sens : goût, odeur, couleur.

 Microorganismes :

Organisme visible seulement à l'aide d'un microscope. Les microorganismes comprennent, par exemple, des bactéries, des virus ou des levures.

 Enzyme :

Protéine ayant comme propriété d’accélérer la vitesse des réactions chimiques dans un organisme vivant. Chaque enzyme accélère une ou plusieurs réactions chimiques bien particulières.

 Emulsion :

Une émulsion est un mélange de deux substances non miscibles (qui ne se mélangent normalement pas), comme l’eau et l’huile. Une substance est dispersée dans la seconde substance sous forme de petites gouttelettes. Le mélange reste stable grâce à un troisième ingrédient appelé émulsifiant.



 

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